**La Prière et la Stratégie de Néhémie**

Dans la vingtième année du règne du roi Artaxerxès, à Suse, la capitale de l’empire perse, Néhémie, l’échanson du roi, vivait dans une profonde inquiétude. Les nouvelles de Jérusalem, la ville de ses ancêtres, lui avaient percé le cœur comme une épée. Les murailles étaient en ruines, les portes consumées par le feu, et le peuple juif qui y demeurait encore vivait dans la honte et le danger.

Un soir, alors que Néhémie servait le vin au roi dans la salle du trône, aux murs incrustés de lapis-lazuli et d’or, son visage trahit sa tristesse. Artaxerxès, assis sur son siège majestueux, remarqua aussitôt l’expression sombre de son serviteur.

— Pourquoi as-tu le visage si triste, alors que tu n’es pas malade ? demanda le roi d’une voix empreinte à la fois d’autorité et de bienveillance.

Néhémie sentit son cœur battre plus vite. Il savait qu’un échanson ne devait jamais paraître affligé devant son souverain, sous peine de passer pour un traître. Mais poussé par une foi ardente, il prit une profonde inspiration et répondit :

— Que le roi vive éternellement ! Comment mon visage ne serait-il pas triste, quand la ville où reposent les tombes de mes pères est en ruine et que ses portes sont dévorées par le feu ?

Le roi, au lieu de se mettre en colère, inclina légèrement la tête et demanda :

— Que désires-tu ?

Alors, Néhémie éleva une prière silencieuse vers le Dieu des cieux, comme il l’avait fait tant de fois depuis qu’il avait appris le sort de Jérusalem. Puis, avec une sagesse inspirée, il répondit :

— Si le roi le trouve bon, et si ton serviteur a trouvé grâce devant toi, envoie-moi en Juda, vers la ville des tombeaux de mes pères, pour que je la rebâtisse.

Le roi, dont l’épouse, la reine, était assise à ses côtés, fixa Néhémie un instant. Puis, contre toute attente, il acquiesça.

— Combien de temps durera ton voyage, et quand reviendras-tu ?

Néhémie lui indiqua une durée précise, et le roi, dans sa générosité, accepta. Mais ce n’était pas tout. Avant de partir, Néhémie osa une demande encore plus audacieuse :

— Si le roi le veut bien, qu’on me donne des lettres pour les gouverneurs de la région au-delà de l’Euphrate, afin qu’ils me laissent passer jusqu’en Juda. Et aussi une lettre pour Asaph, le gardien de la forêt du roi, afin qu’il me fournisse du bois pour reconstruire les portes de la citadelle près du Temple, pour les murailles de la ville et pour la maison où je logerai.

Miraculeusement, le roi accorda tout, car la main de Dieu était sur Néhémie pour accomplir cette mission.

**Le Voyage vers Jérusalem**

Accompagné d’une escorte de soldats perses, Néhémie traversa les vastes territoires de l’empire, franchissant des fleuves tumultueux et des déserts arides. Chaque pas le rapprochait de la terre promise, mais aussi du danger. Les ennemis d’Israël, Sanballat le Horonite et Tobija l’Ammonite, rôdaient dans la région, prêts à contrecarrer tout effort de reconstruction.

Arrivé à Jérusalem, Néhémie ne se précipita pas. Il attendit trois jours, priant et méditant. Puis, une nuit, il se leva secrètement, accompagné seulement de quelques hommes de confiance. Sous la lueur tremblotante des torches, il parcourut les ruines des murailles, examinant chaque brèche, chaque pierre écroulée. Les vestiges calcinés des portes lui rappelaient la destruction passée, mais aussi l’espérance future.

Au petit matin, il convoqua les chefs du peuple, les prêtres et les notables, et leur déclara avec fermeté :

— Vous voyez le malheur qui nous frappe : Jérusalem est en ruines, et ses portes sont réduites en cendres. Venez, rebâtissons la muraille de Jérusalem, afin que nous ne soyons plus un objet de honte !

Puis, il leur raconta comment la main de Dieu avait agi pour lui, et comment le roi lui avait accordé sa faveur.

Emus par ses paroles, les habitants de Juda répondirent d’une seule voix :

— Levons-nous et bâtissons !

Et ainsi commença la grande œuvre de reconstruction, sous la direction de Néhémie, serviteur de Dieu et stratège inspiré.

**La Main de Dieu sur Son Peuple**

Chaque détail de cette histoire montre comment Dieu prépare les cœurs et les circonstances pour accomplir Ses desseins. Néhémie, par sa prière, sa sagesse et son courage, devint un instrument entre les mains du Seigneur. Les murailles de Jérusalem ne seraient pas seulement reconstruites en pierres, mais aussi dans la foi d’un peuple qui se relevait après l’épreuve.

Ainsi, même dans les palais des rois païens, Dieu entend les prières de Ses serviteurs et ouvre des portes que nul ne peut fermer.