**Le Prophète Solitaire : Une Histoire Tirée de Jérémie 16**

Le soleil déclinait lentement derrière les collines de Juda, projetant des ombres allongées sur les rues de Jérusalem. Dans le quartier des potiers, où l’argile séchait au vent du soir, un homme marchait d’un pas lourd. C’était Jérémie, le prophète, dont le cœur était aussi pesant que les paroles qu’il portait.

Depuis des années, il avertissait le peuple de Juda, mais peu l’écoutaient. Ce jour-là, cependant, l’Éternel lui avait donné une mission encore plus difficile. Il lui avait ordonné de ne pas prendre femme, de ne pas avoir d’enfants, et de ne participer à aucun festin ni deuil. Ces instructions brisaient les coutumes les plus sacrées de son peuple.

**Un Mariage Interdit**

Un matin, alors que Jérémie se rendait à la porte de la ville, il croisa une procession joyeuse. Des jeunes filles, vêtues de robes brodées, dansaient au son des tambourins. C’était un mariage. Le père du fiancé, un notable de la ville, reconnut Jérémie et l’appela :

— « Viens, prophète ! Bénis cette union et partage notre joie ! »

Les yeux de Jérémie se remplirent de tristesse. Il secoua la tête.

— « L’Éternel me l’a interdit. Des jours viennent où les chants de joie se tairont, où les rires seront remplacés par des lamentations. Je ne peux me réjouir alors que le jugement approche. »

La foule se figea. Certains ricanèrent, d’autres murmuraient, incrédules.

— « Quel sinistre personnage ! » dirent-ils en s’éloignant.

**Une Maison de Deuil Silencieuse**

Peu après, Jérémie passa devant une maison où des pleurs retentissaient. Un jeune homme était mort, et sa famille était en deuil. Les voisins s’étaient rassemblés pour consoler les parents, partageant du pain et du vin en mémoire du défunt. L’un d’eux, voyant Jérémie, l’invita à entrer.

— « Viens, Jérémie, prie pour nous en ce jour d’affliction. »

Mais le prophète resta sur le seuil, les mains jointes, sans franchir la porte.

— « L’Éternel me défend de m’associer à votre douleur. Bientôt, la mort frappera tant de foyers qu’on n’aura plus le temps d’enterrer les morts ni de les pleurer. Ils seront comme du fumier sur la terre. »

Un silence glacial tomba sur l’assemblée. Puis des cris de colère éclatèrent.

— « Tu oses profaner notre chagrin ? Sors d’ici ! »

Jérémie s’éloigna, le cœur lourd, mais obéissant à la voix de Dieu.

**L’Explication Divine**

Un soir, dans sa modeste demeure, Jérémie tomba à genoux et supplia l’Éternel :

— « Pourquoi m’imposes-tu cette solitude ? Pourquoi dois-je être un signe de malheur pour mon peuple ? »

La réponse vint, claire et solennelle :

— « Parce que les pères de Juda ont fait le mal plus que leurs ancêtres. Ils ont suivi des dieux étrangers, violé mon alliance, et rempli ce pays d’injustice. C’est pourquoi je les chasserai de cette terre. Mais après le châtiment, je les ramènerai. Je leur donnerai un cœur pour me connaître, car je suis l’Éternel, fidèle en toutes choses. »

**La Promesse dans la Tourmente**

Les années passèrent, et les paroles de Jérémie s’accomplirent. Les Babyloniens envahirent Juda, brûlèrent Jérusalem, et emmenèrent le peuple en exil. Mais même dans cette désolation, Jérémie annonça une espérance :

— « Un jour, dit l’Éternel, vous reviendrez. Vous comprendrez alors que c’est moi qui vous ai disciplinés par amour. Car mes desseins ne sont jamais vains. »

Ainsi, Jérémie, le prophète solitaire, devint à la fois le héraut du jugement et le messager de la restauration. Sa vie même était un symbole : un peuple rebelle devait être purifié, mais Dieu, dans sa miséricorde, ne l’abandonnerait pas à jamais.

Et dans le silence de sa maison vide, Jérémie attendait, confiant, l’accomplissement des promesses de l’Éternel.