**Le Rêve Oublié du Roi Nebucadnetsar**
En ces jours glorieux et redoutables de l’empire babylonien, le roi Nebucadnetsar régnait avec une puissance sans égale. Son palais, bâti de briques émaillées et d’or, s’élevait comme une montagne scintillante au cœur de la ville. Les jardins suspendus, merveille du monde, déversaient leurs cascades verdoyantes sur les terrasses, tandis que les prêtres et les sages se pressaient dans les cours, portant les insignes de leur sagesse.
Mais une nuit, le roi fut saisi d’un songe étrange et troublant. Un vent mystérieux souffla sur son esprit, et devant ses yeux se déploya une vision si puissante qu’elle le réveilla en sursaut, le cœur battant. Pourtant, au matin, bien qu’il se souvînt de l’effroi que ce rêve avait semé en lui, les images s’étaient évanouies comme la brume sous le soleil.
Tourmenté, Nebucadnetsar convoqua tous les sages de Babylone : les magiciens, les astrologues, les enchanteurs et les Chaldéens. Ils se présentèrent devant lui, vêtus de leurs robes brodées, le regard empli de suffisance.
— *Ô roi, vis éternellement !* s’écrièrent-ils en se prosternant. *Dis-nous ton songe, et nous en donnerons l’interprétation.*
Mais le roi, le visage sombre, répondit d’une voix tonnante :
— *La parole a échappé de mon cœur ! Si vous ne me faites connaître le songe et son interprétation, vous serez mis en pièces, et vos maisons réduites en fumier !*
Les sages pâlirent. Jamais défi si terrible ne leur avait été lancé.
— *Quel roi, quel seigneur a jamais exigé une telle chose ?* murmurèrent-ils. *Personne ne peut révéler cela, sinon les dieux, et ils n’habitent point parmi les mortels.*
Furieux, Nebucadnetsar ordonna l’exécution de tous les sages de Babylone. Le décret fut proclamé, et les soldats partirent pour les arrêter.
**Daniel, l’homme au cœur fidèle**
Or, parmi ceux qui devaient périr se trouvait Daniel, jeune homme de Judée, captif à Babylone mais rempli de l’Esprit du Dieu vivant. Lorsqu’il apprit l’édit, il demanda avec sagesse et respect :
— *Pourquoi ce décret si rigoureux ?*
Et quand on lui eut expliqué la colère du roi, Daniel se rendit auprès de Nebucadnetsar et lui dit :
— *Ô roi, donne-moi un peu de temps, et je te révélerai le songe et son interprétation.*
Puis il retourna dans sa maison et parla à ses trois compagnons, Hanania, Mishaël et Azaria. Ensemble, ils tombèrent à genoux et implorèrent le Dieu des cieux de leur accorder la révélation du mystère, afin qu’ils ne périssent pas avec les autres sages.
Cette nuit-là, dans une vision, le secret fut dévoilé à Daniel. Alors, il bénit le Seigneur en disant :
— *Béni soit le nom de Dieu, à jamais ! À Lui appartiennent la sagesse et la force. C’est Lui qui change les temps et les circonstances, qui renverse les rois et qui établit les rois. Il révèle ce qui est profond et caché, car la lumière demeure avec Lui.*
**La révélation devant le roi**
Le lendemain, Daniel fut introduit devant Nebucadnetsar. Le roi, assis sur son trône, l’observait d’un regard perçant.
— *Peux-tu me faire connaître ce que j’ai vu en songe, et son sens ?*
Daniel répondit avec assurance :
— *Aucun sage, aucun enchanteur ne peut découvrir ce mystère. Mais il y a un Dieu dans les cieux qui révèle les secrets, et Il t’a montré, ô roi, ce qui arrivera dans la suite des temps.*
Alors, d’une voix claire, Daniel raconta le rêve que le roi avait oublié :
— *Tu as vu, ô roi, une grande statue. Elle était immense, d’une splendeur extraordinaire, mais terrifiante. Sa tête était d’or fin, sa poitrine et ses bras d’argent, son ventre et ses cuisses d’airain, ses jambes de fer, et ses pieds, en partie de fer et en partie d’argile. Puis, une pierre se détacha sans main d’homme, frappa les pieds de la statue, et toute l’image fut réduite en poussière, emportée par le vent. Mais la pierre devint une grande montagne qui remplit toute la terre.*
Le roi trembla, car Daniel venait de dire exactement ce qu’il avait vu.
— *Voici maintenant l’interprétation,* poursuivit Daniel. *Toi, ô roi, tu es la tête d’or, car tu es le plus grand des rois. Après toi s’élèvera un autre royaume, inférieur au tien, puis un troisième, représenté par l’airain, qui dominera toute la terre. Enfin, viendra un quatrième royaume, fort comme le fer, mais divisé, comme les pieds de fer et d’argile. Dans le temps de ces rois, le Dieu des cieux établira un royaume qui ne sera jamais détruit, et ce royaume brisera tous les autres et subsistera éternellement.*
**La réponse du roi**
Nebucadnetsar tomba face contre terre devant Daniel, saisi d’une crainte sacrée.
— *En vérité, ton Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois !* s’écria-t-il.
Il éleva Daniel à la tête de tous les sages de Babylone, lui offrit des présents somptueux, et le fit gouverneur de toute la province. Et Daniel, fidèle à son Dieu, continua de marcher dans la sagesse et la justice, tandis que le roi, pour un temps, reconnut la souveraineté du Très-Haut.
Ainsi fut révélé le mystère du rêve oublié, annonçant les empires des hommes et le royaume éternel qui ne passera jamais.