**La Trahison et l’Amour : L’Heure de Jésus Approche**
La fraîcheur du soir descendait sur Jérusalem, emportant avec elle les dernières lueurs du jour. Les rues étroites, habituellement bruyantes, étaient maintenant silencieuses, comme si la ville retenait son souffle à l’approche de la Pâque. Dans une maison modeste, une lumière tremblotante éclairait une pièce où Jésus et ses disciples s’étaient rassemblés pour partager le repas sacré.
L’air était lourd d’émotions inexprimées. Jésus, assis au milieu d’eux, le visage empreint d’une gravité inhabituelle, contemplait chacun de ses compagnons. Ses yeux, pleins d’une tendresse infinie, s’arrêtèrent un instant sur Judas, dont le cœur s’était déjà laissé envahir par l’obscurité. Mais personne ne remarqua l’échange silencieux entre le Maître et celui qui allait le trahir.
Alors que les disciples discutaient entre eux, une femme entra dans la pièce, portant un flacon d’albâtre rempli d’un parfum de nard pur, d’une valeur considérable. Sans un mot, elle s’approcha de Jésus, brisa le flacon et en versa le contenu sur sa tête. L’odeur enivrante se répandit aussitôt, emplissant l’espace d’un parfum qui rappelait les jardins royaux.
Certains disciples, choqués par ce qu’ils considéraient comme un gaspillage, murmurèrent entre eux. « Pourquoi cette perte ? On aurait pu vendre ce parfum pour une forte somme et donner l’argent aux pauvres ! » dit l’un d’eux avec indignation.
Mais Jésus, les interrompant avec douceur, répondit : « Laissez-la. Pourquoi lui faites-vous de la peine ? Elle a accompli une bonne action envers moi. Vous aurez toujours des pauvres avec vous, et vous pourrez leur faire du bien quand vous voudrez. Mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. Elle a fait ce qu’elle a pu : elle a parfumé mon corps d’avance pour ma sépulture. En vérité, je vous le dis, partout où la Bonne Nouvelle sera proclamée, dans le monde entier, on racontera aussi, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire. »
Un silence pesant suivit ses paroles. Les disciples baissèrent les yeux, incapables de comprendre pleinement la profondeur de ce geste. Seul Judas, rongé par la colère et la cupidité, sentit son cœur s’endurcir encore davantage.
Plus tard dans la soirée, alors que Jésus rompait le pain et partageait la coupe de vin avec ses disciples, il leur révéla une vérité qui les glaça d’effroi : « En vérité, je vous le dis, l’un de vous, qui mange avec moi, me livrera. »
Les visages se décomposèrent, et chacun se mit à s’interroger : « Serait-ce moi ? » Pierre, bouleversé, chercha du regard Jean, qui était assis près de Jésus, et lui fit signe de demander de qui il parlait. Jean, se penchant vers Jésus, murmura : « Seigneur, qui est-ce ? »
Jésus répondit à voix basse : « C’est celui à qui je donnerai la bouchée que je vais tremper. » Puis, prenant un morceau de pain, il le trempa dans le plat et le tendit à Judas. À cet instant, comme si une ombre l’avait enveloppé, Judas reçut la bouchée, et Satan entra en lui.
Jésus lui dit alors : « Ce que tu fais, fais-le vite. » Aucun des autres ne comprit ces paroles. Certains crurent que Jésus lui demandait d’acheter des provisions pour la fête ou de donner quelque chose aux pauvres. Judas, sans un mot, se leva et sortit dans la nuit.
La lune, voilée par des nuages menaçants, éclairait faiblement son chemin alors qu’il se hâtait vers les chefs des prêtres, déterminé à accomplir son forfait.
Pendant ce temps, Jésus, le cœur lourd mais résolu, se rendit avec ses disciples au mont des Oliviers. La brise nocturne soufflait doucement sur les oliviers séculaires, dont les feuilles bruissaient comme pour murmurer une prière. Arrivés à Gethsémani, Jésus dit à ses disciples : « Asseyez-vous ici, pendant que je prierai. »
Emmenant avec lui Pierre, Jacques et Jean, il s’éloigna un peu et commença à éprouver de l’effroi et une grande angoisse. Il leur dit : « Mon âme est triste à en mourir. Restez ici et veillez. »
S’éloignant encore, il tomba face contre terre et pria : « Abba, Père, tout t’est possible : éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. »
Lorsqu’il revint vers les disciples, il les trouva endormis. « Simon, tu dors ? dit-il à Pierre. Tu n’as pas pu veiller une seule heure ? Veillez et priez, afin de ne pas entrer en tentation. L’esprit est bien disposé, mais la chair est faible. »
Deux fois encore, il s’éloigna pour prier, répétant les mêmes paroles. Et chaque fois, à son retour, il trouvait ses disciples plongés dans le sommeil, leurs yeux trop lourds de tristesse pour rester éveillés.
Enfin, il leur dit : « C’est assez ! L’heure est venue : voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Voici qu’approche celui qui me livre. »
Au même moment, des torches apparurent entre les arbres, et une foule armée d’épées et de bâtons s’avança. À leur tête marchait Judas, dont le visage était déformé par une résolution sinistre. S’approchant de Jésus, il lui donna un baiser, comme pour le désigner aux gardes.
« Rabbi ! » s’exclama-t-il, feignant l’affection.
Jésus, le regard empli d’une douleur infinie, lui répondit : « Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme ? »
Alors, les gardes se saisirent de lui. Pierre, dans un élan de courage, tira son épée et frappa un serviteur du grand prêtre, lui tranchant l’oreille. Mais Jésus, tendant la main, dit : « Laissez ! Assez ! » Puis, touchant l’oreille du blessé, il le guérit instantanément.
Se tournant vers la foule, il déclara : « Vous êtes venus avec des épées et des bâtons pour vous emparer de moi, comme pour un brigand. Chaque jour, j’étais parmi vous dans le Temple, et vous ne m’avez pas arrêté. Mais que les Écritures s’accomplissent. »
À ces mots, tous les disciples, saisis de peur, l’abandonnèrent et s’enfuirent. Seul un jeune homme, vêtu d’un simple drap, le suivit encore un moment, jusqu’à ce que les gardes tentent de le saisir. Alors, abandonnant son vêtement, il s’enfuit nu dans la nuit.
Jésus, désormais seul, fut emmené vers le grand prêtre, tandis que les ténèbres semblaient se refermer sur lui. Pourtant, dans son cœur, il savait que cette heure était nécessaire, que son amour pour l’humanité devait passer par cette nuit avant de triompher dans la lumière.
Et quelque part, au-delà des murs de Jérusalem, un coq se préparait à chanter.